ne pas s'identifier à sa dépression

Il est très difficile de ne pas s’identifier à sa dépression. Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut comprendre qu’il s’agit d’une maladie et que personne n’est sa maladie.

 

S’identifier à la dépression

 

Florilège du magma de pensées qui avaient pris leurs aises dans ma tête :

Tu es nulle.

Tu ne vaux rien.

Tout est ta faute.

Tu es stupide ; pour preuve, tu n’arrives plus à lire et au travail, tu étais devenue si lente.

Tu représentes un fardeau pour les autres, surtout pour ton époux et ta fille, qui te supportent au quotidien.

Tu n’es pas intéressante.

Tu ne vas rien faire de ta vie.

Tu es laide.

Et j’en passe.

 

Je m’étais laissée envahir, à tel point que je me suis confondue en elles. Face à mon impuissance et ma crédulité maladive, elles s’en donnaient à cœur joie.

 

Détricoter les constructions mentales

 

Tout était à reconstruire. À force de reposer invariablement sur des êtres extérieurs (ma sœur, mes parents, mes amis, mon époux, ma fille), mon logiciel d’identité extrêmement fragile s’était mis à dérailler.

Recluse dans ma bulle, j’ai avancé à tâtons, dans l’attente de pouvoir respirer de nouveau à pleins poumons, tout en sachant pertinemment que, le moment venu, il me faudrait tout redécouvrir.

Pour m’accompagner dans cette quête identitaire, j’ai la chance de bénéficier du soutien d’une psychologue exceptionnelle. Ensemble, nous avons travaillé à extérioriser les émotions liées à mon passé qui sommeillaient dans mon corps et mon inconscient. Nous avons dénoué une à une les mailles entremêlées qui m’avaient coupé toute envie de porter mon tricot, encombrant et inconfortable. Grâce à elle, j’ai compris qu’il fallait cesser de s’identifier avec la dépression pour m’accepter comme un être à part entière aux prises avec une maladie.

Tout au long de ce temps d’introspection (et encore maintenant), mon mental musclé comme un dieu grec s’est appliqué à détricoter les constructions mentales qui me minaient, à travers une confrontation de longue haleine avec le réel.

 

Exemple d’exercice pratique en deux temps

 

Acte I

L’attaque : tu es lente. Tu n’arrives plus à lire, c’est pathétique. Grosse nulle !

La défense limitée : je suis lente parce que je suis malade (à proscrire car, encore une fois, se réduire à la maladie n’avance à rien).

La contre-attaque qui faisait ses preuves : même si tu as toujours du mal à le dire tout haut, tu as reçu beaucoup de louanges sur ton intelligence avant de tomber malade. Accepte-les, crois en elles, arrête de te rabaisser car tu as le droit, comme tout le monde, à des qualités. Si tu étais capable de bien travailler, tu y arriveras à nouveau.

 

Acte II (quelques mois plus tard)

L’encouragement : tu as réussi à finir un roman, bravo ! Tu peines encore à maintenir ta concentration devant des écrits de journaux ou de magazines, mais ne désespère pas, tu y arriveras. Continue comme ça, et tu récolteras les fruits de tes efforts !

L’annihilation : ne te réjouis pas trop vite, tu as eu du mal à le finir ce roman. Et puis, la littérature, ce n’est pas du sérieux !

L’encouragement : cesse d’écouter ces horreurs. Elles ne sont que du vent. Toi, tu es, tu vaux quelque chose, tu as le droit de prendre ta place et de t’affirmer. Tu ne comptes pas pour du beurre.

Moi (requinquée) : je continue, contre vents et marées !

(à l’annihilation) rira bien qui rira le dernier.

 

C’est cette foi en la vie et en l’amour qui m’a interdit d’abandonner. Elle ne cessait de me rappeler que, si je piochais un chocolat à la liqueur dont je ne supporte pas la saveur, je parviendrai bien ensuite à décrocher un praliné. La dépression est faite de hauts et de bas. Comme la vie ; seulement de façon plus intense.

 

Héléna DAHL

Française résidant à Bruxelles, âgée de trente-trois ans, j’ai commencé ma carrière en tant qu’assistante parlementaire au Parlement européen. Animée par ma passion des mots, j’ai choisi de me lancer avec joie dans une aventure littéraire. En effet, écrire a toujours fait partie de moi, et ce dès le plus jeune âge. Mon premier roman, La nuit s’éveille et tout s’éclaire, est une œuvre de fiction basée sur mon récit de vie. Mon deuxième roman, Un homme vrai, raconte l’histoire d’un homme face à la dépression.

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