Face à la dépression, mieux vaut prendre son temps. Rajouter à la pression que l’on subit déjà la pression du temps n’aidera en rien.
Les pensées et les émotions défilaient main dans la main comme des mannequins en accéléré dont les visages avaient été saupoudrés de noir. Elles foulaient un podium qui s’engouffrait dans toutes les directions. Sciemment, je refusais de les voir. Je fonctionnais ainsi car je n’arrivais pas à faire autrement. Après des années de refoulement, changer son logiciel de fonctionnement, ce n’est pas une mince affaire.
Concrètement, bloquer les pensées invasives passait par une suractivité qui générait, systématiquement, une angoisse diffuse. Je rangeais de façon compulsive, je marchais vite et longtemps, je me préparais dans la précipitation, j’enchaînais les mouvements brusques qui me rendaient encore plus maladroite que d’habitude. Mon cerveau en ébullition m’interdisait tout repos réparateur, ne rien faire m’était devenu impossible. Je m’imposais une course d’endurance contre la montre. À ce rythme-là, j’allais foncer droit dans le mur.
Au fil de la thérapie, et à mesure que je vidais mon sac, j’ai appris à lâcher du lest. Mais, même plus légère à présent, j’ai encore du mal à prendre mon temps. À force de vouloir brûler les étapes, je m’épuise.
« Vous progresserez à petits pas, à la manière de ce petit poussin qui sort de son œuf découvrir le monde pour la première fois. »
Quand un petit poussin sort de son œuf, il ne s’envole pas dans la seconde. Une telle avancée appelle des efforts dont les effets se perçoivent dans la durée. Je me sens comme ce poussin aujourd’hui, nourrie par cette envie de vie et de profiter de l’instant, déterminée à tourner la page pour commencer un nouveau chapitre, toutefois contrainte à tempérer cette incandescence qui risque de me faire chuter pour avoir à tout recommencer.
« Prenez-votre temps » m’avait conseillé un médecin qui s’exprimait de la façon la plus lente qu’il m’avait été donnée d’entendre, source d’irritation au premier abord, puis d’apaisement. Le mental revête une si profonde complexité qu’il ne peut qu’avancer tranquillement pour s’éclaircir. Ce n’est pas comme s’il suffisait de prendre des médicaments qui règleraient tout d’un coup de baguette magique. Quand on n’a plus d’autre choix, ils officient comme une bouée contre la noyade ou des béquilles pour réapprendre à marcher, pas comme un remède miracle.
Si vous ne ressentez pas encore l’envie de vous rouvrir au monde, attendez. Quand vous serez prêt, vous le saurez. Au début, vous vous direz, non, je n’y vais pas, je vais me rétamer, ça va m’angoisser, les autres vont me juger, je n’aurai rien à dire, je suis un incompris, j’ai peur. Dans ce cas, ne vous forcez pas. Ne vous laissez pas contraindre par une pression sociale qui n’existe que si l’on y croit. Écoutez plutôt votre corps et votre cœur. Quand l’envie se fera sentir, allez-y doucement. « Rien ne sert de courir, il faut partir à point », dit la fable. Autorisez-vous aussi à ne rien faire. Vous progresserez à petits pas, à la manière de ce petit poussin qui sort de son œuf découvrir le monde pour la première fois.
Française résidant à Bruxelles, âgée de trente-trois ans, j’ai commencé ma carrière en tant qu’assistante parlementaire au Parlement européen. Animée par ma passion des mots, j’ai choisi de me lancer avec joie dans une aventure littéraire. En effet, écrire a toujours fait partie de moi, et ce dès le plus jeune âge. Mon premier roman, La nuit s’éveille et tout s’éclaire, est une œuvre de fiction basée sur mon récit de vie. Mon deuxième roman, Un homme vrai, raconte l’histoire d’un homme face à la dépression.