guérir d'une dépression

Retrouver des verres transparents

Guérir d'une dépression : une prise de conscience

Guérir d’une dépression, c’est notamment réussir à voir la vie telle qu’elle est, dans sa beauté et ses aspérités, pour cesser de considérer son existence comme un tourment permanent.

Un tourbillon de pensées

 

À partir du moment où j’ai été mise en arrêt maladie, je me sentais comme un puzzle en train de se désagréger. Des pièces décollées ci et là reposaient à mes pieds. Le reste, fragilisé, tenait difficilement debout.

 

Mes pensées, aux ramifications toujours plus nombreuses, fusaient dans un tourbillon incandescent. Je n’avais même pas le temps de traiter une information et de la digérer que je la liais à une autre, puis une autre, et encore une autre, comme un mille feuilles dont les couches se multiplieraient.

 

Apprendre à se modérer

 

Quand je me mettais à divaguer, soit parce que je réfléchissais à plusieurs choses à la fois, soit parce que mon imagination me jouait des tours, je m’ordonnais de m’arrêter et avec fermeté. En conséquence, l’angoisse perdait en intensité.

 

« J’étais tellement en colère. Je me sentais incomprise. Il n’y en avait plus que pour ma sœur à la maison. J’étais quand même sacrément égoïste de penser comme ça, parce qu’elle était malade et moi non. Mais je souffrais, en silence. On se moquait de moi au lycée. Des remarques déplacées qui me blessaient en plein cœur. Si un jour on embête ma fille comme ça, je rugirais comme une lionne. J’ai peur que ça lui arrive maintenant. Que l’école lui soit cruelle. Comment est-ce que je réagirais ? Et si…

 

STOP ! STOP !

 

Mais non, ça ira. Tu lui apprendras à se faire entendre et à ne pas agir comme toi. Souviens-toi que vous êtes deux personnes différentes.

Point à la ligne. »

 

Je devais apprendre à me modérer. Mais il fallait aussi que je comprenne pourquoi je me mettais dans de pareils états.

 

Un travail d’enquête au quotidien

 

Pour fouiller dans les décombres de mon mental, je menais un travail d’enquête au quotidien. Parée de ma casquette de détective, je reliais les points, je résolvais des énigmes et je franchissais des obstacles dans les zones de grande turbulence. Concrètement, dès que je ressentais une angoisse, je cherchais des raisons possibles pour l’expliquer et si je ne pouvais pas résoudre le problème par moi-même, je l’évoquais en séance et nous y travaillions ensemble avec ma thérapeute (ce qui a marché pour moi fut la thérapie cognitivo-comportementale et l’EMDR).

 

À mesure que le fil se déroulait, le passé revenait à moi à travers des évocations du présent. Par exemple, à l’issue d’une cérémonie de mariage, quand j’ai vu la longue file d’invités se former pour féliciter les heureux époux, l’image de mes parents et moi à l’église recevant les condoléances pour ma grande sœur m’est revenue. Des évènements traumatiques pouvaient également ressortir par des rêves, des angoisses face à certaines situations (comme la phobie de m’endormir seule le soir) ou des pensées soudaines associées à des images brutales. Réussir à mettre des mots sur les émotions que je ressentais dans ces moments-là m’a aidée à ne plus me laisser envahir par elles et à surmonter mes peurs.

 

Guérir d’une dépression, c’est reprendre contact avec le réel 

 

Aujourd’hui, j’estime avoir recollé les morceaux, même si j’ai comblé les trous avec une certaine part d’inconnu. J’ai bien conscience que le tableau changera encore et que des pièces mystérieuses se dévoileront avec le temps.

 

Pour moi, guérir d’une dépression ne veut pas dire que l’on atteint « la lumière au bout du tunnel », mais plutôt que l’on arrive à retrouver des verres transparents qui nous permettent de voir la vie telle qu’elle est. Une vie qui n’est pas uniquement colorée de noir, une vie qui embrasse un impressionnant nuancier de couleurs, une vie faite de bonnes et mauvaises humeurs.

 

C’est un long et lent processus, douloureux et laborieux, mais indispensable pour reprendre les rênes de sa vie.

Héléna DAHL

Française résidant à Bruxelles, âgée de trente-trois ans, j’ai commencé ma carrière en tant qu’assistante parlementaire au Parlement européen. Animée par ma passion des mots, j’ai choisi de me lancer avec joie dans une aventure littéraire. En effet, écrire a toujours fait partie de moi, et ce dès le plus jeune âge. Mon premier roman, La nuit s’éveille et tout s’éclaire, est une œuvre de fiction basée sur mon récit de vie. Mon deuxième roman, Un homme vrai, raconte l’histoire d’un homme face à la dépression.

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