S’évader

S’évader

« Au-delà de la maladie, l’Art continue de m’accompagner à chaque instant. Je suis déterminée à ne plus lâcher sa main. Grâce à tous ces instants précieux d’évasion qu’il m’offre, il revêt une valeur inestimable qui a contribué à me redonner foi en la beauté du monde. »

Au fond du gouffre, je m’imaginais prisonnière d’un monstre qui m’aurait enfermée dans un cocon de verre percé à certains endroits pour laisser rentrer une minime quantité d’air. Ce tortionnaire n’avait rien d’étranger puisqu’il m’habitait. Pour briser la glace, il fallait donc que je livre un combat contre moi-même. Une lutte acharnée et de chaque instant pour sortir du carcan de l’autodestruction. Un effort de titan pour parvenir à respirer correctement. Une bataille de longue haleine vers la liberté et l’émancipation.

La pression était devenue si intenable à l’intérieur qu’il n’y avait plus de place pour l’ailleurs. Puis, à mesure que j’avançais, ma cage se fissurait et la plaie s’est ouverte en grand, de plus en plus grand, jusqu’à ce que je puisse y sortir ma tête et le reste de mon corps. Ce faisant, je me suis peu à peu libérée de l’emprise de ce moi envahissant. Je me suis évadée de la prison de mes ruminations pour en ressortir plus forte et, sans aucun doute, plus vraie.

S’il n’y a rien de honteux à penser à soi, je suis convaincue qu’il importe tout autant d’être présent au monde. Une certaine dose d’évasion quotidienne y contribue, non pas pour fuir mais pour s’ouvrir, au-delà de sa personne et de sa problématique. Je ne peux que vous conseiller de l’intégrer à votre vie, car non seulement elle m’a aidée à guérir, elle continue aussi à me faire du bien.

Alors que j’écris ces lignes, bercée par une sonate au piano de Mozart, une valse de Chopin ou une suite au violon de Bach, je me souviens du bienfait que m’a apporté la musique classique quand je me sentais au plus mal. Allongée dans ma chambre, les rideaux tirés, blottie sous ma couverture, la radio m’accompagnait des heures durant. De temps à autre, la musique me transportait. Affublée d’une paire d’ailes majestueuses aussi légères qu’une caresse qui effleure la peau, je survolais des paysages grandioses avant d’atterrir dans les bras de l’homme que j’aime, d’étreindre ma fille ou de penser à tous les autres êtres qui comptent dans mon univers. Les notes s’agençaient dans une orchestration sublime qui me rappelait à la beauté de la symphonie de la vie.

Puis, avec le temps, je me suis remise à lire. Des ouvrages sur le développement personnel d’abord, parce que je sauvegardais le minimum de concentration dont je disposais pour progresser, avant de replonger dans le bonheur de la fiction quand mon horizon s’est élargi. J’ai recommencé à regarder des séries à la télévision. À élargir mon champ musical. Les écouteurs sur les oreilles, je me surprenais à danser dans la rue ou à fredonner un air entraînant qui me donnait du peps. « I’m still standing, yeah yeah yeah! ». J’ai recommencé à assister à des expositions, comme cette expérience immersive dans l’oeuvre de Van Gogh qui m’a émue aux larmes. Et, pour mon plus grand bonheur, je suis retournée au cinéma.

D’instinct, je me suis tournée vers des œuvres qui me parlaient plus que d’autres. J’avais l’impression que ces écrits, chansons ou films me comprenaient. Bien qu’empreints d’une certaine mélancolie, en présentant le vécu d’un autre personnage (réel ou non) qui fait face aux mêmes tourments et en révélant ce qu’il fait pour s’en sortir, elles me redonnaient du courage. « Comme quoi, c’est possible d’y arriver. Et, surtout, tu es loin d’être la seule. Regarde comme elle fait, observe bien comment il surmonte ses peurs, tu peux t’en inspirer pour trouver ta propre voie. Ta propre voix aussi. »

Au-delà de la maladie, l’Art continue de m’accompagner à chaque instant. Je suis déterminée à ne plus lâcher sa main. Grâce à tous ces instants précieux d’évasion qu’il m’offre, il revêt une valeur inestimable qui a contribué à me redonner foi en la beauté du monde.

Pour finir, j’ai le plaisir de partager avec vous un aperçu de mon paysage artistique qui s’est reconstitué ces deux dernières années, en espérant que vous y trouverez des petites perles qui vous ferons du bien.

N’hésitez pas à faire part de vos propres découvertes !

Une compilation de chansons écoutées en boucle

  • « Should have know better », de Sufjan Stevens.
  • « Beautiful that way », de Noa.
  •  « Blackbird », des Beatles.
  • « I’m still standing », d’Elton John.
  • « Mutate », de Jeanne Added.
  • « Eye of the Tiger », de Survivor
  • « Mon amie la rose », de Françoise Hardy.
  • « Emmylou », de First Aid Kit.
  • « The night we met », de Lord Huron.
  • « Le mal de vivre », de Barbara.
  • « Little Talks », de Of Monsters and Men.
  • « Shotgun », de George Ezra.
  • « Wake me up », d’Avici.
  • Les chansons de Franck Sinatra, Aretha Franklin, Nina Simone, Dean Martin, Nat King Cole…

Quelques fictions que j’ai eu du mal à relâcher

  • « Le labyrinthe des esprits », de Carlos Ruiz Zafón.
  • « Une colonne de feu », de Ken Follett.
  • « Au revoir là-haut », de Pierre Lemaître.
  • « Je vais mieux », de David Foenkinos (ainsi que « La délicatesse », « Les souvenirs » ou encore « Le mystère Henri Pick »).
  • « Rebecca », de Daphne du Maurier.
  • « Purity », de Jonathan Franzen.
  • Les quatre livres de la saga napolitaine d’Elena Ferrante.
  • « Big Little lies », de Liane Moriarty.

Quatre livres qui m’ont permis de faire de grands pas en avant

Trois séries addictives

  • « Unbreakable Kimmy Schmidt »
  • « The Good Place »
  • « The Marvelous Mrs. Maisel »

Le film d’une vie

  • « Douleur et gloire », de Pedro Almódovar.

À l’âge de quinze ans, j’ai fait la connaissance de Pedro Almodóvar. Mes parents m’avaient emmenée voir « Parle avec Elle ». Une œuvre hors du temps, si belle et si cruelle. Une esthétique frisant la perfection, des couleurs vives à en pleurer. Une musique douce et sublime. Les harmonies délicates de l’espagnol, que je commençais tout juste à apprendre. Des acteurs hors normes. Une fin horrifique et magnifique. Cet électrochoc cinématographique a imprimé de son empreinte indélébile mon esprit déboussolé. Comment la vie et l’amour pouvaient-ils trouver racine dans une telle atrocité ? Quand le générique a marqué le clap de fin, Maman m’a dit que j’avais les larmes aux yeux. C’était la première fois que je pleurais au cinéma. Par la suite, j’ai développé une passion pour sa cinématographie, que j’allais réussir à visionner dans son intégralité. J’apprécie chacun de ses films pour ce qu’ils montrent : l’humanité telle qu’elle est, y compris dans ses excès et son excentricité.

Son dernier film, « Douleur et gloire », m’a bouleversée. Cette fiction, il l’a écrite et réalisée en écho à sa propre histoire, pour faire la paix avec les zones d’ombre de son passé. Le personnage du réalisateur en perdition s’inspire directement de sa vie. Ce qui le sauve du gouffre dans lequel il se retrouve, c’est l’écriture. Même si je n’ai aucunement la prétention de me comparer à ce réalisateur de renom, c’est un peu la même démarche que j’ai entreprise avec mon livre. Dans mon prochain article, j’évoquerai comment la création a joué un rôle décisif dans ma guérison et continue à me faire du bien, chaque jour.

Je souhaitais conclure par une citation, celle de mon père Gilles SAFFAR qui est aussi un grand artiste :

« Rêve le monde en ouvrant tes yeux d’artiste ».