La peur

La peur

J’angoisse à l’idée d’avoir peur d’être anxieuse

La peur
La peur

Quand la peur se transforme en anxiété, elle peut être très envahissante pour ceux qui en souffrent. Avec le temps et la pratique, on peut apprendre à la surmonter pour retrouver la sérénité.

Les multiples facettes de la peur : illustration

La peur

Imaginons, je me trouve au niveau d’un passage piéton sans feu de circulation. Aucun bruit de moteur à l’horizon. Confiante, je traverse la route. Mais c’est là qu’une voiture détale à toute vitesse. Ralentir ? Il ne lui en viendrait même pas à l’idée. Avec mon casque sur les oreilles, je ne la vois pas venir. Il ne me reste plus qu’un mètre à parcourir avant d’atteindre le trottoir d’en face. À ce moment-là, je la sens me frôler. Je sursaute et une décharge d’adrénaline me propulse vers l’avant. Arrivée en lieu sûr, je me retourne pour regarder derrière moi. J’aperçois la silhouette du bolide au loin. Le cœur battant, je reprends mon souffle. J’ai eu peur.

L’anxiété

Sur le chemin du retour, les images d’un accident qui n’a pas eu lieu défilent dans ma tête. Et la voix off s’enclenche. Tu aurais pu y passer. Il s’en est fallu de quinze centimètres. Tu aurais pu y passer. Ne porte plus de casque audio dans la rue, c’est trop dangereux. Tu aurais pu y passer. Tu aurais pu y passer ! Un nœud se forme au centre de ma poitrine. J’ai du mal à respirer mais je peux toujours avancer. Dès que j’entends le vrombissement d’une voiture, je frémis. Et si ma fille avait été avec moi ? Cela aurait pu être dramatique. Je suis anxieuse.

L’angoisse

Ce scénario me tétanise. J’interromps ma course et m’appuie d’un bras sur un arbre. S’il arrivait quelque chose à ma fille, je ne pourrais jamais me le pardonner. Cela serait la fin du monde. Une douleur aigue attaque mon ventre. Là où je l’ai portée pendant neuf mois. Je ne peux plus bouger. J’angoisse.

La peur et l’anxiété

La peur : liée au moment présent

Au commencement, il y a la peur. Une émotion commune à tous. De la façon la plus primaire, nous avons peur par instinct de survie. Dans l’exemple ci-dessus, la peur me fait aller en avant pour me retrouver dans un environnement qui me protège (le trottoir où la voiture ne peut pas aller). Je la vis au moment présent en lien avec quelque chose de réel.

Mais il y a également des peurs qui ne font pas appel à la raison, au sens où elles sont davantage liées à une impression qu’à un fait concret. En ce qui me concerne, j’ai déjà parlé de ma phobie sociale, de l’abandon, ou encore la peur de l’échec. En travaillant sur le renforcement de l’estime de soi d’une part, et de la confiance en soi et en les autres d’autre part, je parviens à y faire face. Comme je le dis souvent à ma fille, tu es plus forte que ta peur.

L’anxiété : le scénario du pire

L’anxiété, aussi, est humaine. C’est une émotion diffuse qui porte sur un scénario probable – le scénario du pire – qui n’est pas arrivé ou qui aurait pu se produire. Elle se manifeste physiquement à l’intérieur de soi, même si elle n’empêche pas de continuer le cours de sa vie (au contraire de l’angoisse). Le problème, c’est que chez certains d’entre nous, elle trouve un terreau extrêmement fertile. Absolument tout peut devenir source d’anxiété.

Avant que ma dépression ne soit diagnostiquée, je souffrais d’anxiété chronique, seulement je n’avais pas réussi à mettre de mot sur la nature de mes troubles. Un problème au travail m’accompagnait des heures durant, y compris durant mon sommeil. Un souci personnel me poursuivait de la même façon. Un tracas matériel prenait des proportions démesurées. En général, j’étais très facilement sujette aux ruminations. Je me calmais uniquement quand la situation était réglée ou mes constructions mentales restaient sans suite.

L’anxiété et la dépression

Si j’avais conscience du problème, j’en étais venue à me résigner au fait que c’était mon mode de fonctionnement et que j’allais devoir vivre avec. L’anxiété s’est révélée quand je suis tombée malade d’une dépression, puisque généralement, l’une et l’autre vont ensemble. C’est là où j’ai réalisé que la pollution mentale n’était pas une fatalité. Que, s’il me serait difficile de m’en défaire complètement, je pouvais déployer des solutions alternatives pour la rendre moins envahissante au quotidien. En espérant qu’un jour où l’autre, elle advienne moins régulièrement.

Comme toujours, il s’agit d’un entraînement mental qui s’inscrit dans la durée. À force de répétition et de persévérance, je rencontre aujourd’hui moins de difficultés qu’auparavant. Si l’anxiété continue à se manifester, elle s’apaise plus rapidement au contact de la sérénité.

Illustration

Supposons, je me fais du souci car demain matin j’ai un train à prendre et j’ai peur de le manquer. Pourquoi ? L’autre jour mon alarme n’a pas sonné et il y a de fortes chances que ça se reproduise. Ma fille pourrait avoir un problème de tout ordre. Le tram pourrait avoir du retard. Je cogite tellement que j’en oublie le présent. Je dîne sans faire attention au goût de la nourriture, aux rires de ma fille et mon époux, à leur présence réconfortante. Mes pensées se focalisent sur le train que je risque de ne pas prendre.

Qu’est-ce que je commence par faire ? Déjà, je me dis STOP, aussi fort que je peux, à l’intérieur de moi. Le vacarme cesse temporairement. De quoi j’ai besoin ? De solitude. J’en parle à mon époux, il comprend, et je m’isole dans notre chambre. Assise au bord du lit, j’effectue plusieurs respirations profondes et conscientes. Profitant d’un calme relatif, je me détache de mes pensées pour les observer et les évaluer.

Conversation avec ma tête

– Je serai en retard pour le train.

– Ah bon ? Comment le sais-tu ? Peux-tu prédire l’avenir ?

– Il y aura tout un tas de problèmes demain qui me retarderont.

– Ah bon ? Comment le sais-tu ? Peux-tu prédire l’avenir ?

– Non, mais le pire pourrait arriver.

– Ah bon ? Comment le sais-tu ? Peux-tu prédire l’avenir ?

– Et si…

– Tais-toi (et je reste polie). Réfléchis une seconde. Comment pourrais-tu agir pour bénéficier des meilleures conditions le moment venu ?

– Je… je peux me réveiller un peu plus tôt.

– C’est déjà ça.

– Faire sonner deux alarmes à cinq minutes d’intervalle.

– Tu progresses.

– Parler de mes préoccupations à mon époux pour que l’on puisse s’organiser au mieux.

– Continue.

– Je pourrais prendre le bus si le tram ne vient pas.

– Très bien. Parce que si le tram ne vient pas, tu ne peux pas le faire apparaître comme par magie. Et au pire du pire, si tu rates ton train ?

– Je pourrais prendre le suivant.

– Et qu’est-ce qui arrivera le plus probablement, parce que quand tu as peur d’être en retard tu es toujours à l’heure et les fois où tu es en retard tu ne l’avais pas anticipé ?

– Je serai à l’heure et j’aurai mon train.

– Voilà ! Tu peux planifier et te préparer sans forcément te rendre malade ni te noyer sous les ruminations. S’il est possible que tu sois stressée parce que tu manques de temps, garde ton énergie dans cette éventualité. Tu dormiras mieux et tu reposeras ton pauvre corps. Le moment venu, s’il n’y a aucune raison de te presser, PRENDS TON TEMPS. Et, dans le cas contraire, si tu es amenée à courir, calme-toi sur le chemin dès que tu en trouves l’occasion (dans le tram ou le bus, par exemple). Garde confiance en toi. Et répète après moi : Je serai à l’heure et j’aurai mon train.

Je serai à l’heure et j’aurai mon train.

Ma mécanique de lutte contre l’anxiété

1. Je m’arrête (en plantant un grand signe STOP dans ma tête).

2. Je m’isole (physiquement ou mentalement).

3. J’observe (qu’est-ce qui est, qu’est-ce que j’invente).

4. J’anticipe en évaluant ce sur quoi je peux avoir une influence (l’heure du réveil, les deux alarmes, l’entraide avec mon époux, le bus au lieu du tram) et j’agis en ce sens.

5. Je cesse de m’inquiéter à l’avance de ce qui est hors de ma portée (un problème quelconque à la maison, la fréquence de passage du tramway, des ralentissements à cause de travaux ou de bouchons). Je verrai bien.

6. Si le disque se répète, je recommence. Si besoin, je n’hésite pas à en parler autour de moi pour trouver des mots rassurants.

7. Enfin, je me rappelle de profiter de l’instant présent.

Héléna DAHL
Héléna DAHL

Française résidant à Bruxelles, âgée de trente et un ans, j’ai commencé ma carrière en tant qu’assistante parlementaire au Parlement européen, où j’ai travaillé pendant cinq années. Animée par ma passion de l’écriture, j’aspire aujourd’hui à une carrière d’auteure professionnelle. En effet, écrire a toujours fait partie de moi, et ce dès le plus jeune âge. Mon premier roman, La nuit s’éveille et tout s’éclaire, est une œuvre de fiction basée sur mon récit de vie. J’anime le blog, Des mots pour guérir (https://desmotspourguerircom.wordpress.com/), où je partage mon expérience face à la dépression à travers des articles et des illustrations.