Sans pression

Sans pression

Si quelqu’un exerce une pression sur votre bras, vous aurez mal. La question ne se pose même pas. Pour le mental, c’est la même chose. Mais, comme la douleur ne se voit pas, elle relève moins d’une évidence. Plus sournoise, plus insidieuse, plus diffuse, elle existe bien pourtant. À un moment ou à un autre, nous y sommes tous confrontés, que cela soit de notre fait ou du fait d’autrui (le travail offre l’exemple le plus criant).

Dans notre société du tout ou rien, on nous fait croire que pour être quelqu’un, il faudrait forcément respecter des codes censés constituer la norme, ce qui ne fait qu’augmenter cette pression invisible. Croire en soi aide à se départir de cette injonction à la perfection qui n’existe qu’à travers le regard des autres. Il s’agit de se donner de la valeur pour ce que l’on est et non ce que l’on fait et, en ce sens, de s’accorder un minimum de respect.

Pour moi, cela reste un combat de tous les jours. La pression à bien faire, à se conformer, à ne pas montrer de failles ni de fragilité, j’y reste sujette, je la laisse trop facilement m’atteindre, me mettre à mal, avant de devoir la contrattaquer. Et j’ai enfin compris pourquoi : si mon estime de soi a dépassé le niveau zéro, elle manque encore de solidité. Alors, pour la renforcer, je m’efforce à me répéter, chaque jour, dès que je sens ma poitrine se comprimer : arrête de te mettre la pression.

Quand je serais tentée d’être trop dure avec moi-même …

– Je n’ai pas pu faire tout ce je voulais, je suis une incapable.

… je me réponds

– Ce n’est pas grave, tu continueras demain. Et si tu mettais la barre un peu moins haut ?

Quand je serais tentée de me plaindre…

– Il y a des moments où je n’ai rien fait, c’était du temps perdu.

… je me réponds

– Et si tu arrêtais de penser que chaque seconde de ta vie doit être vouée à une activité productive ? Tu n’as rien fait ? Tant mieux. Tu n’as rien gâché. C’est appréciable de ne rien faire, de ne penser à rien, parce que ça te ramène à qui tu es. Souviens-toi de ton dernier cours de yoga, « je ne pense pas, donc je suis ».

Quand je serais tentée de douter…

– Parfois, je me demande si je suis une bonne personne, une bonne mère notamment.

… je m’interromps

– Non mais oh, ça va pas, je ne peux pas te laisser dire ça ! Tout le monde tâtonne, tout le monde en fait des faux pas. Et des faux pas, aux yeux de qui ? Tant que tu réponds aux besoins primaires de ton enfant, tant qu’elle est en sécurité, il n’y a pas de règle qui vaille. Ceux qui se permettent de juger, tu ne les écoutes pas. Les bons conseils, tu peux en prendre compte, mais ne t’inflige pas de reproche si tu ne les suis pas à la lettre ou si tu n’arrives pas tout de suite à les mettre en place. Il n’y a pas de recette miracle. Tu fais ce qui est en ton possible. Tu aimes ton enfant, ton enfant t’aime, vous apprenez ensemble tous les jours, cela ne peut pas être parfait, la vie n’est pas parfaite, alors arrête avec tes conneries.

Quand je serais tentée d’en faire plus…

– Ne devrais-je pas prendre davantage soin de moi ?

… je me réponds

– Commence par apprécier ces moments où tu te fais du bien avant de chercher à les multiplier juste parce que dans les magazines beauté il y a des articles à profusion pour avoir la plus belle peau, éviter les fashion faux pas, ou fortifier les cheveux avec la nouvelle recette naturelle à base de beurre de karité et de graines de chia. N’oublie pas que la seule personne qui compte ici, c’est toi.

Quand je me rappelle à la réalité…

– Je me sens pressée d’agir même dans des moments où j’ai le temps.

… je me réponds

– Dès que tu sens la pression venir, poses toi la question. Où es-tu ? Dans ma salle de bain. Où vas-tu ? Nulle part en particulier. As-tu besoin de stresser en te brossant les dents ? Non. Rappelle-toi, tu n’as pas à maximiser chaque seconde de ta journée en te pressant comme un citron. Quoi qu’il advienne, garde ton calme, même quand tu es en retard ou si tu te sais attendue quelque part. Dans ces cas-là, c’est plus difficile, car il te faut aller plus vite, mais tu verras, à force de pratique, tu y arriveras. On noue plus facilement les lacets de ses chaussures avec un cœur apaisé qu’un cœur en ébullition. En règle générale, on arrive à de meilleurs résultats sans pression.

Ou encore…

– Mon cerveau est trop plein, je pense à trop de choses à la fois.

… je me réponds

– Fais de la place dans ta tête. N’hésite pas à noter pour ne pas oublier ou à te faire une toute douce liste de tâches pour t’aider à y voir plus clair. Exprime-toi si quelque chose ne va pas et surtout ne garde rien en toi, tu sais à quel point les effets du refoulement peuvent être catastrophiques. Souviens-toi, tu es tombée malade d’une dépression parce que tu ne supportais plus la pression que tu t’étais imposée.

Et, enfin, quand je me dis…

– Je suis bête

… parce qu’il y a quelque chose que j’aurais mal fait, j’écoute ma fille qui me répond

– N’importe quoi. Faut pas dire que t’es bête Maman. C’est pas vrai.