Je ne suis pas ma peur

Les phobies d'impulsion

Je ne suis pas ma peur

Les phobies d’impulsion se manifestent par une peur envahissante de faire du mal, à soi et aux autres. Elles sont très difficiles à vivre. Les comprendre, grâce à la thérapie, aidera à s’en détacher et à les surmonter. Surtout, il ne faut pas en avoir honte. 

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Les phobies d'impulsion

Un trouble perturbant

 

Je me promène tranquillement en compagnie de proches. Et puis, tout d’un coup, le flash. Je me vois pousser l’un d’entre eux qui tombe par terre. Une plaie béante se forme sur son genou. Mon pouls s’accélère. Ma poitrine se compresse. Je ressens comme un vide à l’intérieur. La peur est présente, partout. Je m’éloigne de cette personne. Pourtant, rien ne s’est passé.

La première fois que cela m’est arrivé, je me suis sitôt dit, quelle honte. Cela fait de moi une personne mauvaise. Un monstre. De fait, j’ai gardé le silence. Je n’en ai pas parlé autour de moi. Avec le temps, cela s’est calmé. Mais quand j’ai été diagnostiquée d’une dépression, le trouble est revenu, d’autant plus fort.

 

Les phobies d’impulsion, ou la peur de (se) faire du mal

 

À partir de là, j’ai osé l’évoquer avec mon médecin généraliste, puis ma psychologue. J’ai alors pris conscience qu’avoir ces pensées ne faisaient pas de moi une criminelle en puissance. Jamais elles ne m’auraient fait passer à l’acte parce que je n’avais aucune intention de blesser qui que ce soit, moi y compris. Ici, l’émotion principale, c’est la peur. La peur de faire du mal, la peur de se faire du mal.

Je pâtissais d’un trouble connu, que l’on peut traiter par la thérapie, avec le soutien de médicaments. On appelle cela communément les « phobies d’impulsion ». Mais, au contraire des phobies qui se manifestent dans des cas précis (disons, une araignée se promène sur mon lit, je pousse un cri), les phobies d’impulsion peuvent se déclarer à tout moment. À tel point que cela en devient épuisant pour celle ou celui qui en souffre. C’est pour cela qu’on les caractérise plutôt comme des troubles obsessionnels compulsifs.

 

Une lutte permanente

 

Au plus fort de ma maladie, je luttais en permanence. Mes pensées destructrices étaient surtout dirigées vers moi. Souvent, quand je me promenais dans la rue, je voyais mon corps sur la route, inanimé. Dès que j’avais un objet tranchant en main, j’imaginais un de mes organes entaillés. Parfois, dans un endroit avec du monde, je m’entendais crier d’horribles choses qu’il ne me serait jamais venu à l’idée de dire pour de vrai. Les exemples sont nombreux. J’étais terrifiée. Je me sentais me décomposer de l’intérieur. Si mon mental était le premier touché, mon corps n’était pas épargné non plus ; les deux sont souvent associés. Le souffle coupé, les tremblements, les maux de tête, l’incapacité de trouver le repos, faisaient partie de mon lot quotidien de désagréments.

 

Comprendre les phobies d’impulsion pour mieux s’en détacher

 

Grâce à la thérapie, j’ai appris à ne plus me laisser envahir et à surmonter ces peurs.

Déjà, en réalisant qu’elles n’arrivent pas par hasard, et qu’elles sont connectées à d’autres peurs ou à des évènements traumatiques du passé, j’ai pu les traiter à la source. Pour vous donner un exemple frappant, quand j’ai vu ma sœur au funérarium, j’ai eu l’impression qu’un couteau m’avait été planté dans le ventre. Des années plus tard, cette sensation se retrouvait à travers mes phobies d’impulsion. Quand j’ai compris pourquoi la peur se manifestait, j’ai pu faire ressortir la cause et y faire face, à savoir, j’avais vu le corps sans vie d’une des personnes que j’aimais le plus au monde et je craignais de mourir à mon tour.

Dès lors, quand la pensée de me faire du mal se manifestait, je savais pour quelle raison, et je pouvais m’en détacher plus facilement sans chercher à la bloquer (ce qui aurait été la dernière chose à faire). C’est juste une pensée, me disais-je, ce n’est pas pour de vrai, tu es en vie, tu veux rester en vie, ce coup de poignard que tu imagines avoir reçu reflète ta peur, pas ta volonté de mettre fin à tes jours. Respire un grand coup, ouvre les yeux, regarde autour de toi, concentre-toi sur la tomate que tu es en train de couper, et tu verras, ça passera. Répète le, encore et toujours. Je ne suis pas ma peur.

 

Transformer sa pensée pour la regarder autrement

 

Pour s’aider, parce que, même si on parvient à se détacher de sa pensée, ce n’est jamais agréable de visualiser des choses pareilles, on peut aussi chercher à la manipuler, dans le bon sens, pour la rendre vivable, et finalement même en rire. Au lieu de voir des voitures m’écraser, je m’imagine marcher au-dessus d’elles, dotée d’incroyablement longues jambes. Le couteau se transforme en chocolat à savourer sans modération. Ce ne sont plus des dents qui se plantent dans ma main, mais des lèvres qui lui font des bisous. Ce ne sont pas des pieds qui se tordent, mais des ailes qui poussent dans le dos. Ce n’est plus un corps que l’on bouscule, mais un corps que l’on sert dans ses bras d’affection.

 

Prendre le mal à temps

 

Aujourd’hui, cela m’arrive rarement, et quand cela est le cas, l’image disparaît aussitôt. Si j’ai souhaité écrire sur ce sujet difficile, c’est pour aider celles et ceux qui sont touchés et leur dire, ne vous sentez pas seuls. Les phobies d’impulsion se nourrissent de peurs envahissantes très difficiles à surmonter par soi-même, qui se manifestent bien souvent en cas de dépression. N’ayez pas honte de quoi que ce soit et exprimez-vous avant que cela n’empire. Votre mal peut se soigner, et, comme pour tout, mieux vaut le prendre à temps.  

 

Héléna DAHL

Française résidant à Bruxelles, âgée de trente-trois ans, j’ai commencé ma carrière en tant qu’assistante parlementaire au Parlement européen. Animée par ma passion des mots, j’ai choisi de me lancer avec joie dans une aventure littéraire. En effet, écrire a toujours fait partie de moi, et ce dès le plus jeune âge. Mon premier roman, La nuit s’éveille et tout s’éclaire, est une œuvre de fiction basée sur mon récit de vie. Mon deuxième roman, Un homme vrai, raconte l’histoire d’un homme face à la dépression.