Éloge de la lenteur

apprendre à décélérer

Éloge de la lenteur

Apprendre à aller moins vite permet de faire un pas de plus vers la paix intérieure. Cessons de répondre à de fausses urgences et d’aller vite pour arrêter de penser. Dans notre monde en mouvement, prendre son temps n’est pas évident, mais c’est indispensable pour rester debout et continuer à avancer plus sereinement.

Éloge de la lenteur

Apprendre à aller moins vite

Une fausse urgence

 

« Mais attends-moi Maman. Va moins vite ! » Je l’ai écoutée. J’ai ralenti. Et soudainement, je me suis sentie plus légère.

Quand ma fille m’a interpellée l’autre jour, cela m’a fait réfléchir. Est-ce qu’il y avait quelque chose de si urgent pour que je me dépêche ainsi ? Non, sûrement pas. D’ailleurs, derrière le verbe « se presser », ne se cache-t-il pas le mot « pression » ? Dans ce cas, je me l’étais créée, cette pression, sans que rien ne m’y oblige.

 

Une mécanisme d’autodéfense

 

Aujourd’hui, parce que j’ai réussi à prendre du recul, j’ai compris qu’il s’agit d’un mécanisme d’autodéfense. Lorsque ma tête est pleine de préoccupations, je vais avoir tendance à accélérer le mouvement pour oublier ce qui me tracasse. Heureusement, comme j’en ai conscience, je me reprends plus vite que par le passé. Avant, c’était une tout autre histoire.

Au quotidien, je marchais des kilomètres et des kilomètres à une cadence infernale. On aurait pu m’accoler le surnom de « train à grande vitesse » ou de « fusée sur pattes ». Quand je me promenais avec mes parents par exemple, ils peinaient à me suivre. Je me souviens de ce jour où mon père m’a dit, cela peut être stressant de te voir t’agiter de cette manière, et je l’avais très mal pris. « C’est mon rythme, et j’en ai besoin pour me faire du bien », lui avais-je répondu, tremblante. Mes propos sonnaient faux à mes oreilles sans que je ne puisse l’entendre. Au fond, je savais que cette activité physique n’était pas saine.

Mais il n’y avait pas que cela. Aller vite était devenu un mode de fonctionnement. Que ce soit pour me préparer, faire la cuisine, me déplacer d’un bout à l’autre d’une pièce, dans le moindre de mes gestes, ou même pour parler, je hachais l’air telle une menuisière du vide, la respiration saccadée, le cœur battant, les lèvres serrées, accompagnée de cette insupportable douleur qui me compressait la poitrine.

Immanquablement, ma précipitation pouvait me rendre brusque. Je mettais cela sur le compte de ma maladresse. Il est vrai que je ne brillais pas pour mon agilité. Toutefois, en écrivant ces lignes, je me rends compte que mes faux mouvements étaient souvent dus à une rapidité soudaine.

 

La nourriture : un contre-exemple

 

S’il y avait bien un domaine où j’avais pu apprendre à aller moins vite, c’était – et cela reste encore le cas – la nourriture. Vu que le stress m’accompagnait partout où j’allais, j’avais besoin d’un instant de répit. Mâcher tranquillement de grandes bouchées m’aidait à reprendre le contrôle de mon corps et à me retrouver dans l’instant. J’avais toujours fonctionné ainsi. Au cours de ma dépression, cela n’a fait que se renforcer. Et, en toute logique, si d’autres mangeaient vite à côté de moi, je ne le supportais pas. Non seulement parce que je suis une femme hypersensible, mais aussi parce que cela me renvoyait à mes propres tourments. Je voulais que rien ne vienne perturber le seul moment où je m’autorisais à souffler. Et pourtant. Ce n’était pas comme si je ne me dépêchais pas, moi aussi.

 

Apprendre à aller moins vite

 

À mesure que je progressais sur le chemin de ma guérison, j’ai réussi à apprendre à aller moins vite. À prendre mon temps non seulement quand je mange, mais pour tout le reste également. Dès que je suis tentée d’aller vite ou d’appuyer sur l’accélérateur, je perçois immédiatement la différence. Je passe par un pic de nervosité qui me met dans tous mes états. Jusqu’à ce que, avec l’aide de mes proches, ou par moi-même, je freine. Je remonte à la surface de l’eau pour prendre une grande bouffée d’air et les tensions se relâchent une à une. D’un coup, je me sens beaucoup plus sereine.

Ce qui fait que, quand je n’ai pas d’autre choix que d’aller vite, je vais moins me laisser envahir par mes émotions. Le stress est toujours là, mais beaucoup moins fort. Peut-être parce que je cherche tant que possible à m’en préserver quand il n’a pas lieu d’être, et que je suis davantage à l’écoute de mon corps par la même occasion. Aussi, si je me plais toujours à marcher vite, je vais plutôt le faire seule, dans un but premier de bien-être, comme pour toute autre activité physique.

En avançant doucement, on apprend à voir la vie autrement et, finalement, à en profiter d’autant plus, pour en apprécier chaque instant. La lenteur est loin d’être une plaie mais une formidable opportunité pour retrouver une sensation de paix intérieure.

Héléna DAHL

Française résidant à Bruxelles, âgée de trente-trois ans, j’ai commencé ma carrière en tant qu’assistante parlementaire au Parlement européen. Animée par ma passion des mots, j’ai choisi de me lancer avec joie dans une aventure littéraire. En effet, écrire a toujours fait partie de moi, et ce dès le plus jeune âge. Mon premier roman, La nuit s’éveille et tout s’éclaire, est une œuvre de fiction basée sur mon récit de vie. Mon deuxième roman, Un homme vrai, raconte l’histoire d’un homme face à la dépression.