À petite dose

modérer son usage des écrans

À petite dose

Modérer son usage des écrans est primordial quand on est fragile et que l’on a facilement tendance à se dévaloriser, au risque autrement de tomber dans l’addiction. Il ne s’agit pas de mener une vie par procuration, mais de se réapproprier son existence en usant avec raison des outils que l’on a à notre portée.

À petite dose

Modérer son usage des écrans

Un sentiment d’urgence comblé par l’écran

 

Dans les premiers mois de ma dépression, je me rendais plusieurs fois par jour sur les réseaux sociaux. Mon doigt faisait rapidement défiler les publications des autres sur mon téléphone. Rien ne faisait sens. Je m’abreuvais d’images, de mots, de lettres, qui flottaient tels des bulles à la surface de l’eau, avant d’éclater soudainement pour laisser la place à d’autres, non moins cohérentes.

Au fond, je sentais un sentiment d’urgence qui me poussait à remplir le vide de mon existence. Mais cela n’avait rien de bénéfique. Parce que, ce vide, je le remplissais justement par un autre vide. Plus je nourrissais mon intérieur, plus il en demandait, et je n’arrivais plus à m’arrêter.

Rapidement, je suis devenue accro. Cela devenait un automatisme. Si ce n’était pas les réseaux sociaux, je parcourais les gros titres des sites d’information sans jamais réussir à lire un article. Quand j’avais fini, je faisais le tour de mes applications – jeux, météo, sport et santé. Je ne voyais pas la pancarte « Attention, DANGER. » À la place, je me laissais envahir.

 

Une addiction qui pousse à se dévaloriser

 

Ce comportement, terriblement anxiogène, ne faisait que renforcer ma tendance à la dévalorisation. « Oh, les autres ils ont une vie géniale. Moi, je me morfonds au fond de mon canapé ou je m’épuise à marcher des kilomètres et des kilomètres pour calmer mes angoisses. Je suis une vraie paumée. Je n’ai rien à dire. Je n’ai rien à montrer. ». « Mais comment puis-je me plaindre alors que l’état du monde est si désastreux ? Je suis une fraude. Inutile à la société. » Le disque rayé tournait sans s’arrêter. Malgré tout, je continuais à recourber mes pouces et abîmer mes yeux sous l’emprise d’un écran qui commençait dangereusement à se confondre avec mon cerveau.

 

Se poser les bonnes questions pour modérer son usage des écrans

 

Au bout d’un moment, je suis parvenue à me poser les questions suivantes.

D’abord, comme le disait mon arrière-grand-mère, « D’où je sais ? ». Que ces amis et connaissances et personnes dont je ne me souviens même plus n’affrontent pas leurs propres problèmes ? Que leur quotidien ne souffre d’aucune imperfection ? D’une part, on révèle ce qu’on a envie de révéler. D’autre part, dans la vie, zéro souci, ça n’existe pas.

Ensuite, « À quoi ça me sert ? ». De me perdre dans une farandole d’informations indigestes pour oublier le mal-être qui me mine ? En quoi est-ce que cela va me faire sentir mieux ?

Enfin, « N’aurais-tu pas mieux à faire ? » Comme, je sais pas moi, courir, écrire, t’allonger et respirer un grand coup, chanter, crier, pleurer, regarder un film, lire un livre (si tu arrives à te concentrer) ou juste ne rien faire ?

 

La reconnaissance des autres face à la valeur que l’on se donne

 

Un beau jour, à la suite d’un problème technique, mon compte Facebook s’est déconnecté par lui-même. Seulement voilà, je ne retrouvais plus mon mot de passe. Impossible de mettre la main dessus, car je n’avais plus accès à l’adresse e-mail avec laquelle j’avais créé mon profil. Dans l’urgence, je m’attelais déjà à tout remplacer. Adresse e-mail, mot de passe, nom d’utilisateur. Avant de valider, j’ai longuement hésité. Et j’ai tout annulé. J’ai attendu huit mois avant de m’y remettre. C’était au moment où j’ai décidé de me lancer dans l’aventure « Des mots pour guérir. »

Il y a peu, j’ai replongé. Mais pas pour les mêmes raisons. Cette fois-ci, il me fallait à tout prix vérifier, à intervalles rapprochées, le nombre de « j’aime » récoltés par mes publications. Pareil, c’était devenu un automatisme. Quand je ne savais pas quoi faire, aller hop, mes doigts naviguent sur mon téléphone, oh non, aucune notification, on ne s’intéresse pas à ce que je fais, mal au cœur ; une notification, peut mieux faire ; deux notifications, en progrès ; plus que ça, génial, continue. Je cherchais dans la reconnaissance immédiate des autres une manière de valider mon travail et de me donner la motivation pour continuer.

Au risque de m’enfermer à nouveau dans un schéma malsain et des habitudes toxiques, cela ne pouvait pas continuer ainsi. La valeur que les autres attribuent à ce que je fais (qui, d’ailleurs, ne peut pas être uniquement mesurée par le nombre de clics que génère un texte), doit s’équilibrer avec la valeur que je donne moi-même à ce que je fais. Ce sont les deux éléments d’un même pilier. Si l’un piétine démesurément sur l’autre, l’édifice s’écroulera forcément.

 

Écouter son corps aide à modérer son usage des écrans

 

C’est mon corps qui m’a envoyé les premiers signaux d’alerte. Le cœur qui bat très vite, la sensation d’oppression à la poitrine, la tête qui tourne ; tout y était. Sur les conseils de ma psychologue, j’ai désinstallé l’application pour m’en tenir à une fois par jour, depuis mon ordinateur cette fois-ci.

Cela n’a pas été facile, et cela reste un défi aujourd’hui. Le sentiment d’urgence, l’impulsion, ils restent présents. Heureusement, à force de pratique, ils sont devenus de moins en moins prégnants.

En en modérant mon usage, j’ai redécouvert le côté positif des réseaux sociaux (et de mon téléphone). Quand j’y vais, je reste calme. Lentement, je fais défiler les actualités de mes contacts (cinq fois moins nombreux qu’avant ; de fait, je les connais tous), en prenant le temps de réagir à certaines qui m’inspirent plus que d’autres. Je réponds sans trop attendre aux messages que l’on m’envoie. Je publie du contenu de temps à autre. C’est un formidable outil pour créer du lien, maintenir le contact, trouver de l’aide et apporter sa contribution, se maintenir au courant de l’actualité, s’ouvrir au monde et élargir son horizon, mais, attention, et surtout quand on est fragile, à petite dose.

 

Héléna DAHL

Française résidant à Bruxelles, âgée de trente-trois ans, j’ai commencé ma carrière en tant qu’assistante parlementaire au Parlement européen. Animée par ma passion des mots, j’ai choisi de me lancer avec joie dans une aventure littéraire. En effet, écrire a toujours fait partie de moi, et ce dès le plus jeune âge. Mon premier roman, La nuit s’éveille et tout s’éclaire, est une œuvre de fiction basée sur mon récit de vie. Mon deuxième roman, Un homme vrai, raconte l’histoire d’un homme face à la dépression.