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Renaître après la dépression

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Renaître après la dépression, c’est s’autoriser à vivre. Après avoir déconstruit l’édifice fragile qui avait mené à la maladie, on se redécouvre pour évoluer sur des bases plus saines. L’envie constitue un moteur pour aller de l’avant.

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Renaître après la dépression

En pleine tempête

La dépression est tellement énorme, envahissante, étouffante, qu’on imagine qu’elle va nous détruire. Qu’elle va faire disparaitre tout ce qui faisait sens. Qu’elle va nous prendre par les deux bouts et nous compresser comme une canette en nous vidant de notre substance.

Face à elle, le moi s’agenouille, implorant.

Arrête, de m’ensevelir sous les pensées, de me faire vivre dans le passé, de me pousser à me dévaloriser.

Arrête.

Mais elle continue.

La personne qui souffre en arrive à se considérer comme une miette de pain, sans valeur, sans intérêt, sans rien de bien. Elle se dit, à quoi bon, à quoi bon persévérer, je n’y arriverai pas, les autres m’aiment mais moi je ne m’aime pas et cela restera toujours ainsi, tout est ma faute, je suis une minable pathétique pitoyable pourriture. Je n’existe pas.

Le plus dur, c’est de comprendre ce qu’on est en train d’affronter.

Que ce n’est pas une lubie, mais un passage dans notre existence.

Que ce n’est pas une faiblesse, mais une maladie grave. 

Que c’est l’ultime signal d’alarme que lance notre corps, désespéré à se faire entendre.

Un appel à l’aide

Quand l’abcès se perce, tout arrive en pleine figure. Les émotions refoulées se bousculent, s’agglutinant comme un essaim d’abeilles. Pour s’en protéger, on se replie sur soi. On se renferme dans sa bulle. On ne veut plus rien faire. On a mal de partout. Puis, c’est au tour du tambour de la machine à laver de faire le travail. On devient sa fatigue. On devient sa tristesse. On devient sa peur. On en arrive à oublier qui l’on est.

Et, parce qu’il est de ces maladies dont il est atrocement difficile de guérir tout seul, on appelle à l’aide.

Des nœuds en cascade

Quand j’ai vu ma psychologue pour la première fois, je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait. Je ne me sentais pas bien et je pleurais la mort de ma sœur, et c’était tout. Tout du moins, c’est ce que je croyais. J’étais loin de me douter qu’il y avait bien plus que cela.

Puis, en parlant avec elle, le tableau a commencé à s’éclairer. Un nœud est apparu. Nous nous sommes mises à le dénouer. Mais ce n’était que le début.

Rapidement, des nœuds supplémentaires se sont révélés à la manière d’une traînée de poudre. Un souvenir en entraînait un autre, et mes blessures s’accumulaient. Il a fallu les prendre une par une et s’y confronter. Cela a été extrêmement douloureux. À chaque fois, j’en tirais des leçons. Je comprenais de mieux en mieux pourquoi je réagissais d’une certaine façon, de quoi se nourrissait mon anxiété, d’où mes blocages provenaient. Des chantiers s’ouvraient. Je commençais à m’y aventurer.

L’estime de soi.

La confiance en soi.

L’affirmation de soi.

Le lâcher-prise.

La gestion des émotions.

Les interactions sociales.

Et j’évoluais.

Une longue traversée

Aujourd’hui, le travail continue, pour s’attaquer au plus profond, au plus difficile sûrement. Malgré tout, et je peux l’écrire sans arrière-pensée, je vais mieux. J’ai envie d’aller de l’avant. Cette grande avancée, c’est le résultat d’une longue traversée, où, tout en déconstruisant l’édifice fragile qui m’avait rendue malade, je me suis peu à peu reconstruite sur des bases plus saines.

Suis-je une nouvelle personne ? Je ne pense pas. Plutôt, je me suis redécouverte. Avec ma sensibilité, que j’ai acceptée comme faisant partie de moi. Si j’explose, je ne me dis plus, « je suis malade », mais plutôt, « j’ai des émotions, comme tout le monde, et il faut que j’apprenne à les gérer autrement pour me sentir mieux. »

Quant à mon passé, il a cessé de déterminer mon existence parce que j’ai réussi à m’en affranchir.

Renaître après la dépression, c’est s’autoriser à vivre

Au lieu de me dire, je dois survivre après tout ce qui s’est passé, je m’autorise enfin à vivre. Malgré mes traumatismes, j’ai le droit d’être heureuse et de profiter de bons moments.

Après, la difficulté, comme toujours, c’est de ne pas agir dans l’urgence, en se disant, pendant tout ce temps, je n’ai rien fait, maintenant, je dois rattraper le temps perdu, je saute hors de ma bulle en courant, advienne que pourra. Aller trop vite, c’est la garantie de s’affoler et de reperdre le fil. Si l’on a trop de choses en tête, noter et établir des priorités aide. On ne fait pas tout en même temps. On y va doucement. Et on respire.

Renaître après la dépression, c’est retrouver l’envie

Au début de ma maladie, quand je m’interrogeais sur ce que veut dire « guérir d’une dépression », je répondais : cela ne signifie pas atteindre la lumière au bout du tunnel, mais voir la vie telle qu’elle est, avec tout son nuancier de couleurs, dans sa beauté et ses aspérités. Aujourd’hui, j’ajouterai : cela signifie également retrouver l’envie, l’envie d’avancer, avoir des désirs, des projets, même des envies toutes simples, de faire des choses que l’on aime et qui nous font du bien. 

En partant de là, on se rend compte qu’il n’y a plus de vide, de « rien ne fait sens », de « à quoi bon », il y a de la substance, le soi reprend forme, l’être reprend vie, et l’on assiste à sa renaissance. 

Héléna DAHL

Française résidant à Bruxelles, âgée de trente-trois ans, j’ai commencé ma carrière en tant qu’assistante parlementaire au Parlement européen. Animée par ma passion des mots, j’ai choisi de me lancer avec joie dans une aventure littéraire. En effet, écrire a toujours fait partie de moi, et ce dès le plus jeune âge. Mon premier roman, La nuit s’éveille et tout s’éclaire, est une œuvre de fiction basée sur mon récit de vie. Mon deuxième roman, Un homme vrai, raconte l’histoire d’un homme face à la dépression.